L’entreprise familiale: Définitions et spécificités
L’objectif de cet article est de présenter d’une façon résumée quelques spécificités de l’entreprise familiale par rapport à celle non familiale. L’entité familiale, même s’il s’agit d’un ancien phénomène, n’a connu un regain d’intérêt que pendant les années quatre-vingt.
Selon Allouche et Amann,(2000)[1], les définitions de l’entreprise familiale sont diverses et nombreuses et assez marquées par l’hétérogénéité. Ces deux auteurs ont distingué entre des définitions monocritères et celles multicritères.
Définitions de l’entreprise familiale:
1.1. Les définitions monocritères de l’entreprise familiale:
Ces définitions sont les moins nombreuses. Elles retiennent soit le critère de la propriété, soit le critère du contrôle, soit le critère d’interaction famille/entreprise pour caractériser la nature familiale ou non de l’entreprise.
Parmi les auteurs ayant donné une définition monocritère, nous pouvons citer Barnes et Hershon(1976), qui considèrent qu’une entreprise est familiale si le contrôle de la propriété est resté entre les mains d’un individu ou entre les mains des membres d’une seule famille.
La majorité des auteurs font appel, aujourd’hui, aux définitions multicritères pour décrire l’entreprise familiale.
1.2. Les définitions multicritères de l’entreprise familiale:
Dans ce type de définitions, les auteurs ont essayé d’associer plusieurs critères pour qualifier une entreprise familiale. La propriété et le contrôle sont les deux principaux critères retenus par les théoriciens de l’entreprise familiale.
Le contrôle désigne l’implication de quelques membres de la famille dans la gestion de l’entité familiale. J.H. Atrachan et T.A. Kolenko ont ajouté en 1994, un critère supplémentaire pour décrire une entreprise familiale, la volonté du propriétaire de transmettre l’entreprise à la génération future.
P.C. Rosenblatt et al(1985), Handler(1989) ont signalé que la tendance actuelle est orientée vers une approche multicritère de l’entreprise familiale.
Les définitions les plus pertinentes sont celles qui utilisent conjointement les critères de propriété, c’est-à-dire la détention du capital par la famille, l’influence de la famille sur le management de l’entité familiale et l’intention de transmettre l’affaire familiale à la génération future.
Les spécificités des entreprises familiales:
2.1 En matière de gouvernance:
L’importance des entreprises familiales dans les économies mondiales leur a rendu l’objet d’un bon nombre de recherches relatives aux pratiques de gouvernance[2].
Définition et mécanismes de la gouvernance de l’entreprise :
C’est un concept qui a été développé aux Etats-Unis durant les années trente et il est devenu d’actualité à partir des années quatre-vingt-dix. Jacquillat a avancé en 2003 que ce concept est bien spécifique et bien délimité.
Il recouvre des moyens mis en œuvre pour s’assurer que les décisions de l’entreprise, ses actifs et les comportements de ses dirigeants vont bien dans les objectifs de l’entreprise, tels qu’ils ont été définis par les actionnaires.
A son tour, Charreaux, l’un des auteurs les plus connus dans le domaine de la gouvernance a avancé en 1996, que le gouvernement des entreprises comprend l’ensemble des mécanismes ayant pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire.
En bref, étudier la gouvernance d’une entreprise consiste à étudier les relations entre les actionnaires et les dirigeants. La gouvernance vise à protéger les droits des actionnaires et d’encourager une coopération active entre les parties prenantes afin de créer la richesse.
Les mécanismes de gouvernance de l’entreprise :
L’objectif ultime de ces mécanismes est d’assurer le respect de la relation contractuelle entre les actionnaires et les managers d’une entreprise. On distingue généralement entre deux grandes catégories de mécanismes : les mécanismes internes et les mécanismes externes.
La première catégorie des mécanismes provient des ententes contractuelles implicites ou explicites. Parmi ces mécanismes, on peut citer, les croyances et les valeurs de l’entreprise, les conseils d’administration, les régimes de rémunération et les systèmes de gestion.
La seconde catégorie regroupe les différents éléments provenant de l’environnement externe de l’entité et qui visent à réduire les comportements opportunistes des dirigeants. On trouve notamment, le marché des produits, le système légal de protection des investisseurs, le marché de prise de contrôle des sociétés, le marché des dirigeants, l’éthique et de la morale.
Les spécificités de la gouvernance des entreprises familiales :
La gouvernance au sein des entreprises familiales est différente par rapport aux entreprises non familiales. Cette différence est due principalement aux aspects spécifiques de l’entreprise familiale. L’entreprise familiale est un système dans lequel cohabitent deux sous-systèmes antagonistes en termes d’objectifs et de valeurs, la famille et l’entreprise.
Neubauer et Lank ont avancé en 1998, que la mise en place d’un système de gouvernance efficace au sein d’une entreprise familiale n’est pas une tâche facile devant les deux objectifs majeurs qui s’imposent aux responsables du gouvernement de l’entreprise familiale, à savoir, le développement à long terme et la légitimité qui signifie la marche de l’entreprise sur les intérêts des différentes parties prenantes.
Les travaux menés par Ward en 1991 ont montré que le système de gouvernance de l’entreprise familiale varie en fonction du stade de développement de cette dernière. En effet, cet auteur a distingué quatre systèmes de gouvernance de l’entreprise familiale.
Au premier stade de la vie de cette entité, le dirigeant fondateur détient la propriété totale et en corollaire, il incarne à lui seul le système de gouvernance de sa propre entreprise. Au deuxième stade, les parents transmettent l’affaire à leurs enfants qui essayent de se mettre d’accord sur les décisions à prendre.
A ce stade, la confiance entre les héritiers joue un rôle déterminant dans l’implémentation d’un système de gouvernance efficace.
Au troisième stade, la taille de la famille devient plus importante avec l’entrée des cousins, le système de gouvernance devient alors, plus complexe vu la multiplicité des membres de famille.
Au dernier stade, avec la modification de la taille de l’entreprise familiale, le système de gouvernance de cette dernière devient de plus en plus formel, complexe et comparable à une entreprise managériale.
Dans une entreprise familiale, on trouve deux catégories de gouvernance : la gouvernance familiale et celle de l’entreprise. Le système de gouvernance familiale est assuré par les mécanismes suivants : l’assemblée familiale, le conseil de famille et le comité des actionnaires.
2.2. Autres particularités des entreprises familiales relatives à l’aspect stratégique :
Les recherches relatives à l’entreprise familiale insistent sur le fait que les objectifs familiaux influencent les décisions stratégiques(Dyer,2003)[3].
Ainsi, Dunn(1996) a noté que les objectifs des entreprises familiales sont multiples et complexes et parmi lesquels, nous relevons notamment le maintien du contrôle de la propriété et du management de l’entreprise familiale ainsi que l’objectif de pérennité.
Le domaine de la stratégie est certainement celui qui a donné lieu au plus grand nombre d’études, notamment dans le monde empirique. En revanche, S. Basly a indiqué en 2006 que le management stratégique de l’entreprise familiale reste un domaine peu exploré.
J.A. Davis et R.Tagiuri ont mené une étude en 1982 selon laquelle, les propriétaires des entreprises familiales ont des buts spécifiques qui résultent du recouvrement famille-entreprise-management.
J.L. Ward a montré dans une étude réalisée en 1988 que les entreprise familiales adoptent des stratégies de défense afin de maintenir le contrôle de la famille sur l’entreprise. En 1991, Donckels et Frohlich ont tiré la conclusion que les entreprises familiales sont « dirigées vers elles-mêmes », c’est-à-dire orientées vers l’environnement familial et adoptent plutôt un comportement stratégique conservateur.
En outre, S.J. Harvey a suggéré en 1999, qu’une des raisons de domination des entreprises familiales en tant que forme d’organisation est l’horizon de long terme des managers familiaux par rapport à ceux non familiaux.
L’entreprise familiale se caractérise par la concentration sur les marchés locaux. Ces deux auteurs ont noté que « les entreprises familiales poursuivent souvent des stratégies de concentration sur les besoins des marchés locaux[…], les entreprises familiales sont peu présentes sur les marchés internationaux ».
Marchesnay a signalé que la vision du dirigeant de l’entreprise familiale impacte amplement les décisions stratégiques de cette dernière.
Conclusion
En guise de conclusion, les recherches sur l’entreprise familiale sont abondantes ces dernières années et ont traité les différents aspects notamment les relations contractuelles, les modes différenciés de gestion, le comportement stratégique ainsi que la transmission.
En revanche, les théoriciens de ce champ disciplinaire ne parviennent pas à l’unanimité par rapport aux aspects déjà cités. Ce constat peut être expliqué par l’hétérogénéité des entreprises familiales.
Lire aussi:
- La typologie des alliances stratégiques
- Stratégies d’alliance, de coopération et de partenariat entre les entreprises
Sources et références:
[1] J.Allouche et B.Amann, (2000), « L’entreprise familiale: un état de l’art », p 8
[2]Ilyes GHEDDACH, (2012), « Etude du comportement stratégique de l’entreprise familiale », thèse de doctorat en sciences de gestion à l’université de Mouloud Mammeri tizi ouzou, Algérie, p 165
[3] Imen MZID, (2010), « L’approche stratégique du développement des groupes familiaux : cas des hypogroupes », thèse de doctorat en sciences de gestion à l’université de Sfax, Tunisie, p 35